Limiter notre impact sur le climat revient très concrètement à limiter nos émissions globales de gaz à effet de serre (GES). Mais quels sont nos leviers d’actions ? Une équation désormais célèbre, dite équation de Kaya, permet d’y voir plus clair. Cette équation a été établie par Yoichi Kaya, économiste japonais, dans son ouvrage Environment, Energy, and Economy : strategies for sustainability :
où :
- CO2 correspond aux émissions anthropiques de CO2, principal GES
- POP correspond à la population mondiale
- PIB correspond au produit intérieur brut (PIB) mondial
- E correspond à la quantité d’énergie consommée dans le monde
Cette équation permet de dégager 4 facteurs influençant les émissions de CO2 :
- la taille de la population (POP)
- le PIB par habitant
- l’intensité énergétique de la production (E/PIB), soit l’énergie dont on a besoin pour produire 1 € de biens ou de services
- le contenu carbone de l’énergie (CO2/E)
Dans une première approche, on a donc 4 facteurs globaux sur lesquels on peut potentiellement agir afin de réduire nos émissions de CO2. Plus concrètement, pour respecter l’Accord de Paris de 2015, soit une limitation de l’augmentation de la température moyenne à la surface de la Terre à 1,5 °C maximum d’ici 2050 (par rapport à l’ère préindustrielle), nos émissions de GES doivent être divisées par 3 d’ici 2050 (par rapport à 2010). L’équation de Kaya nous montre théoriquement plusieurs leviers d’actions pour y parvenir :
- réduire la population mondiale
- réduire le PIB par habitant, ce qui reviendrait à accepter une décroissance économique globale
- réduire l’intensité énergétique de la production, c’est-à-dire augmenter l’efficacité énergétique de l’économie (produire la même chose avec moins d’énergie)
- réduire le contenu en CO2 de l’énergie, c’est-à-dire décarboner l’énergie
Réduire la population mondiale ?
La tendance est en réalité à l’augmentation. Avec près de 8 milliards d’habitants en 2021, la population devrait augmenter de 2 milliards d’habitants d’ici à 2050 selon les Nations Unies. Donc, à moins d’une augmentation brutale de la mortalité (pandémie, guerres,…) que personne ne souhaite, il va donc plutôt falloir compter sur les autres facteurs.
Décroitre ?
Là aussi, la tendance est plutôt à l’augmentation depuis des décennies. C’est même un objectif largement partagé encore aujourd’hui que d’avoir de la croissance économique afin de permettre une augmentation du niveau de vie de la population. On voit néanmoins apparaitre de plus en plus de partisans de la décroissance qui considèrent qu’un système économique basé sur la croissance n’est plus viable dans un monde aux ressources finies et dans le contexte de la crise écologique. Nous ne débattrons pas ici de l’opportunité ou non d’une décroissance mais il est clair qu’une augmentation de la richesse par habitant demandera un effort supplémentaire sur les deux facteurs restants.
Réduire l’intensité énergétique de la production ?
L’intensité énergétique a baissé de 30% en 35 ans dans le Monde . Tout ce qui pourra être gagné dans les 30 prochaines années abaissera le niveau de contrainte sur le reste, en particulier sur la décarbonation de l’énergie.
Décarboner l’énergie ?
Le contenu en CO2 de l’énergie dépend de la part des diverses sources d’énergie dans la consommation mondiale, certaines étant plus carbonées que d’autres. Typiquement les énergies fossiles sont des énergies carbonées tandis que l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque) sont très peu carbonées. Il est donc indispensable de se tourner de plus en plus vers les énergies décarbonées. Notons que le contenu en CO2 de l’énergie n’a diminué que de 10 % en 40 ans . Des efforts considérables sont à mener sur ce plan.
Quelques ordres de grandeurs pour mieux comprendre l’enjeu
Dans son article de blog sur l’équation de Kaya, Jean-Marc Jancovici nous donne quelques ordres de grandeur afin de bien comprendre l’ampleur des efforts que nous avons à accomplir . Nous présentons brièvement son raisonnement ici :
- la population devrait être multipliée par environ 1,33 d’ici 2050 (par rapport à 2010)
- le PIB par habitant devrait lui être multiplié par 2,2
- or, nous devons diviser par 3 nos émissions de CO2 comme mentionné précédemment
- il faut donc donc globalement diviser le produit des deux autres facteurs (intensité énergétique et contenu en CO2) par environ 3 x 1,33 x 2,2 soit environ 9
- dans une hypothèse optimiste, nous pourrions gagner un facteur 2 sur l’intensité énergétique
- il reste donc à diviser le contenu carbone de l’énergie par un facteur 4,5. C’est considérable : pour rappel, il n’a diminué que de 10 % en 40 ans.
Il s’agit juste d’hypothèses mais cela nous montre l’ampleur considérable de l’effort qu’il faut accomplir pour limiter le réchauffement à 1,5 °C en 2050 dans un contexte de poursuite de la croissance de la population et de la croissance économique.
Pour aller plus loin
- Article de Jean-Marc Jancovici
- Article de Freeze by Carbo