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A première vue, le recyclage semble être une solution pertinente pour permettre de donner une nouvelle vie à nos objets.
A priori, le recyclage comporte plusieurs bénéfices :
- il peut permettre de réduire la pression sur l’extraction de matières premières : c’est particulièrement vrai pour le métal, le verre et le bois
- il permet aussi une moindre consommation d’énergie et donc une moindre émissions de gaz à effet de serre, si l’on compare à l’extraction de matières premières vierges
- les déchets ne sont pas incinérés ou enfouis
Malheureusement, nous allons voir qu’il pose également des problèmes majeurs dans la pratique. Comme l’a bien analysé Flore Berlingen, ancienne directrice de l’Association Zero Waste France, il y a trois grandes problématiques :
- le recyclage comporte de nombreuses contradictions que les producteurs n’assument pas suffisamment
- le recyclage à l’infini est un mythe
- le recyclage contribue à perpétuer l’utilisation de produits jetables
Le manque de responsabilité des producteurs face aux limites du recyclage
Les producteurs tendent à faire diversion en attirant l’attention sur la responsabilité des individus
Les individus ont une responsabilité indéniable par la réalisation correcte du geste de tri. Mais d’autres conditions importantes ne relèvent absolument pas d’eux.
En effet, tout ce qui a été trié correctement, bien que recyclable en théorie, n’est pas forcément recyclé dans la pratique par manque de débouchés économiques : soit parce que le coût du recyclage d’une matière donnée est trop élevée, soit parce que la qualité du matériau recyclé n’est pas suffisante.
« Il devient urgent de lutter contre l’utilisation trompeuse du terme « recyclable » dans le cas où celui-ci est possible techniquement mais où il n’existe aucune filière de recyclage opérationnel. »
Flore Berlingen
Par exemple, le polypropylène souple est recyclable en théorie mais ne l’est pas en pratique dans de nombreux pays, notamment la France .
Il existe un conflit d’intérêt majeur concernant l’organisation des éco-organismes, en charge de financer la collecte et le traitement des produits en fin de vie
Des éco-organismes ont été instaurés au sein des différentes filières dites REP [a]responsabilité élargie du producteur définies par la loi (piles et accumulateurs, équipements électriques et électroniques, emballages ménagers, médicaments, produits chimiques, etc.) afin de financer la collecte et le traitement des produits en fin de vie . Pour ce faire, ces éco-organismes collectent les contributions obligatoires des producteurs (appelées « éco-contributions ») et appliquent un système de bonus-malus (écomodulations) pour inciter les producteurs à concevoir des produits recyclables en fin de vie. Le problème, c’est que ces éco-organismes sont créés, pilotés et détenus par leurs adhérents, qui, sauf exception, ne sont autres que les producteurs et les distributeurs eux-mêmes. C’est ainsi que dans un certain nombre de filières, les écomodulations sont faibles et essentiellement appliqués dans le sens du bonus.
Il existe des défauts d’organisation du tri et de la collecte, plus ou moins importants selon les territoires
Un exemple tout simple est la présence souvent insuffisante de poubelles de tri adaptées dans l’espace public. Citons également une fréquence insuffisante des collectes en porte-à-porte ou encore une implantation insuffisante de points d’apport volontaire.
Résultat : une quantité très importantes de déchets potentiellement recyclables terminent incinérés ou enfouis.
Les collectivités locales ont une part de responsabilité indéniable mais pas seulement : en effet, les financements issus des filières REP sont insuffisants aux yeux des opérateurs en charge de la collecte, à savoir les collectivités dans la plupart des cas. Concrètement, la gestion des déchets coûte environ 14 milliards d’euros aux collectivités locales tandis que la contribution des filières REP est de seulement 1,2 milliards d’euros.
« Autrement dit, comme de nombreuses autres « externalités environnementales » des activités économiques, le coût du traitement des déchets reste assumé par la société dans son ensemble. […] C’est le deuxième grand écueil d’une « responsabilité du producteur » qui, plutôt qu’ « élargie », semble restreinte à portion congrue ».
Flore Berlingen
La communication des éco-organismes prête à confusion
Nous avons déjà évoqué la confusion entretenue par le terme « recyclable ». On ne sait pas à priori si ce qui est recyclable sera effectivement recyclé.
La signalétique visible sur les produits de grande consommation renforce cette confusion.
Le logo « Point Vert » indique simplement que le producteur s’est bien acquitté de sa cotisation (obligatoire, soit dit en passant) , aucunement que l’emballage est recyclable. Un message nous invite à penser au tri, sauf qu’en l’espèce, cet emballage n’est pas recyclable. Il est également sous-entendu que le terme « jeter » s’applique à des déchets non recyclables.
De plus, une partie du budget des éco-organismes servent à financer des campagnes de communication sur le tri et les vertus du recyclage. Mais la frontière est mince entre la promotion de l’acte de tri et l’autopromotion.
Certains de nos déchets sont massivement délocalisés à l’étranger
C’est le cas notamment des déchets plastiques, électroniques ou textiles. Dans le cas du plastique par exemple, environ 40 % de nos déchets collectés pour être recyclés sont exportés .
Nous faisons donc payer à d’autres le prix de ce que nous produisons et consommons ce qui n’incite pas à chercher des solutions pour réduire ces déchets. Les producteurs ont une part de responsabilité particulière dans la mesure où ils entretiennent l’illusion d’une économie circulaire aux yeux des consommateurs
Le mythe du recyclage à l’infini
Le recyclage comporte de nombreuses difficultés techniques mettant à mal le mythe d’un recyclage à l’infini :
- le processus de recyclage s’accompagne souvent d’une perte et d’une dégradation de la matière : ainsi, le papier ne peut être recyclé qu’entre 5 et 7 fois avec une qualité dégressive à chaque nouveau cycle (malgré un apport de pâte à papier vierge dans le processus)
- les produits ne sont souvent tout simplement pas recyclables. Le cas du titane est particulièrement marquant : 95 % est irrécupérable en raison de son usage dispersif [b]c’est-à-dire mélangé à d’autres matériaux bruts comme dans le plastique, la peinture ou les cosmétiques
De façon générale, le plastique est le matériau le plus difficile à recycler : seulement 9 % de tous les plastiques produits dans le monde auraient été recyclés . Même le PET transparent de nos bouteilles d’eau, dont le recyclage est le mieux maitrisé par l’industrie, a des limites : le procédé de recyclage ne fonctionne que deux à trois fois maximum et implique une perte de matière de minimum 30 % à chaque cycle .
Le recyclage entretient l’économie du jetable
Loin de freiner efficacement l’extraction de matières premières vierges, le recyclage aurait plutôt contribuer à son essor :
- D’abord, le recyclage a servi de prétexte à certaines industries qui dépendent du jetable [c]emballages, plasturgie, agroalimentaire, grande distribution notamment pour perpétuer leur modèle économique. Le modèle de l’industrie agroalimentaire par exemple dépend fortement des emballages jetables en raison de la nécessité de protéger les produits sur des distances parfois très longues et sur un temps plus long également entre le moment où ils sont produits et le moment où ils sont consommés.
- Par ailleurs, en raison des difficultés techniques que pose le recyclage et pour être économiquement viable face à l’extraction, le recyclage nécessite un volume suffisant de matières à recycler. On est loin d’une économie circulaire.
Charles Dauzet, fondateur désenchanté de La Boucle Verte, une start-up spécialisée dans la collecte de canettes illustre bien ce phénomène par son témoignage :
« […] La filière boisson préfère vendre son soda dans des emballages jetables (c’est bien plus rentable), la filière canette promeut son emballage comme étant le meilleur et la filière en charge de la collecte ne peut gagner sa croûte que si des emballages sont mis sur le marché : principe de l’éco-contribution. »
Charles Dauzet, La Boucle Verte
Conclusion
Le recyclage n’est pas mauvais en soi. Il a naturellement toute sa place mais en dernier ressort, c’est-à-dire après que toutes les autres options (réflexion du l’utilité sociale du produit, conception durable, réutilisation, réparation, réemploi) aient été épuisées.
Dans l’introduction de son ouvrage, Flore Berlingen résume très bien la situation :
« Toutes les mesures et propositions de ces dernières années concourent à l’optimisation de l’exploitation des ressources par le recyclage des matières premières, et non à la réduction à la source de leur consommation par la réparation, le réemploi et la réutilisation. Ces deux démarches diffèrent par leur approche et leur objectif : quand la première cherche « à faire de nos déchets des ressources », la seconde vise à « ne pas faire de nos ressources des déchets ».
Flore Berlingen