Le contenu de l’article qui suit a été librement adapté, en grande partie, à partir de deux articles du portail notre-environnement.gouv.fr :
- La connaissance de la biodiversité
- Les menaces de la biodiversité
Fiche rapide « causes-conséquences »
Causes : pratiques agricoles intensives (engrais, pesticides, monocultures, mécanisation), artificialisation des sols, fragmentation des milieux naturels, réchauffement climatique, acidification des océans, pollutions, développement d’espèces invasives, surexploitation des ressources (surpêche, déforestation, etc.)
Conséquences : détérioration du fonctionnement des écosystèmes et de leurs services associés (nourriture, eau, matériaux, énergie), risques sanitaires (zoonoses), réchauffement climatique, moindre résilience face au réchauffement climatique…
Boucle de rétroaction positive : l’érosion de la biodiversité et le réchauffement climatique anthropique s’aggravent mutuellement.
Érosion de la biodiversité, de quoi parle-t-on ?
La biodiversité désigne la variété de l’ensemble du monde vivant organisée selon trois niveaux (diversité des gènes, des espèces et des écosystèmes), ainsi que les interactions au sein de ces trois niveaux et entre ces niveaux.
L’érosion de la biodiversité se traduit notamment par l’augmentation du taux d’extinction d’espèces, par le déclin des populations de certaines d’espèces, par la dégradation des habitats naturels. Elle résulte principalement de la destruction et de la fragmentation des milieux naturels (due aux activités humaines : urbanisation croissante, intensification des pratiques agricoles, etc.), de leur pollution (d’origines domestique, industrielle et agricole), de la surexploitation d’espèces sauvages (surpêche, déforestation, etc.), de l’introduction d’espèces exotiques envahissantes, mais également du changement climatique.
Depuis l’avènement de l’Anthropocène, le taux d’extinction d’espèces animales et végétales n’a jamais été aussi élevé, estimé à 100 fois supérieur aux taux des cinq grandes extinctions de masse sur Terre, au point d’assister, aujourd’hui, à la sixième extinction massive. Alors que la plupart des disparitions d’espèces ont eu lieu jusque-là sur des îles océaniques, près de la moitié des extinctions se sont produites sur des continents au cours des vingt dernières années. La biodiversité est aujourd’hui largement menacée sur toute la planète.
L’érosion de la biodiversité est préjudiciable à plusieurs titres :
- elle entraîne une perte de patrimoine génétique (extinction d’espèces, perte de populations) ;
- elle affecte également le fonctionnement des écosystèmes terrestres et aquatiques (modification des habitats, déplacement des espèces, eutrophisation des eaux de surface, etc.) ainsi que leur capacité à s’adapter aux changements des conditions physiques et biotiques (résilience). Or, les écosystèmes procurent de nombreux bénéfices à l’homme (nourriture, eau, ressources génétiques, etc.). Ces services, dits « écosystémiques », sont dégradés, et à long terme, leur pérennité est menacée.
Les causes de l’érosion de la biodiversité
L’artificialisation des sols
L’artificialisation, qui correspond à la transformation d’un sol à caractère naturel, agricole ou forestier par des actions d’aménagement, a un impact significatif sur la faune et la flore. Elle exerce une pression majeure sur la biodiversité du fait de la destruction des milieux naturels et par conséquent des espèces qui y vivent.
La fragmentation des milieux naturels
Conséquence de l’urbanisation et de l’extension des infrastructures routières et ferroviaires, la fragmentation se manifeste lorsqu’un écosystème de large étendue est divisé en de nombreux fragments de taille réduite. Ce morcellement du territoire constitue une menace pour la biodiversité (isolement génétique des populations, etc.).
La fragmentation des cours d’eau est, quant à elle, provoquée par la construction, notamment, de barrages, de seuils, d’écluses, constituant autant d’obstacles à l’écoulement des cours d’eau.
Les pratiques agricoles intensives
L’agriculture intensive, caractérisée par l’utilisation massive d’intrants (engrais chimiques, produits phytosanitaires), par un assolement moins diversifié d’espèces cultivées et par une mécanisation poussée, fragilise la biodiversité et la santé humaine, en contribuant, entre autres, à la pollution de l’air, des sols, des nappes phréatiques et des cours d’eau.
La simplification des paysages et la diminution continue des surfaces de prairies sont deux autres facteurs expliquant la perte de biodiversité en milieu agricole.
Le développement d’espèces invasives
Les espèces exotiques envahissantes sont l’une des principales causes de l’érosion de la biodiversité mondiale selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Introduites par l’Homme, de façon volontaire ou accidentelle, sur un territoire, elles constituent en effet une menace pour les écosystèmes et peuvent avoir des répercussions considérables sur la santé et l’économie. Elles exercent une pression sur les espèces locales (compétition, prédation, transmission de maladie, etc.).
La pollution lumineuse
La pollution lumineuse, qui se caractérise par un excès d’éclairage artificiel la nuit, a de nombreux impacts sur la biodiversité. Elle perturbe le déplacement des espèces nocturnes (oiseaux migrateurs, chauves-souris, papillons, tortues marines venant d’éclore, etc.), affecte leur activité alimentaire, influe sur leur période d’activité et de maturité reproductrice.
Le réchauffement climatique
Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (2018) fait apparaître le changement climatique comme le troisième facteur affectant la biodiversité avec un impact depuis le niveau des écosystèmes jusqu’à celui de la diversité génétique. Ce rapport souligne que de nombreux habitats naturels sont menacés par les effets du réchauffement climatique .
En effet, le changement climatique modifie l’aire de répartition des espèces (une augmentation de 1 °C correspond en France à un décalage des zones climatiques d’environ 200 km vers le Nord). Ces modifications entrainent un déplacement des espèces vers les pôles ou vers des altitudes plus élevées, avec une vitesse de déplacement modulée par les capacités de migration propres à chaque espèce et des interactions avec les activités humaines. Ainsi certaines espèces très mobiles pourront se déplacer rapidement si des corridors écologiques sont maintenus, tandis que d’autres (peuplements arborés) seront plus lentes à suivre leur niche écologique.
La migration des espèces vers le Nord et les régions de plus haute altitude modifiera les peuplements et de nouvelles relations s’établiront, en particulier des relations de compétition entre des espèces généralistes qui auront migré et des espèces spécialistes de certains milieux. Parmi eux, figurent les milieux montagnards, qui, en France métropolitaine, concentrent de nombreux écosystèmes diversifiés. Ainsi, la fonte des glaciers, qui altère le régime d’écoulement des cours d’eau, peut engendrer de profonds changements sur les écosystèmes et mettre en péril les espèces spécifiques de ces habitats.
Le changement climatique modifie également la physiologie des espèces. Les calendriers biologiques pourront évoluer avec des conséquences complexes sur les écosystèmes car des désynchronisations entre espèces interdépendantes pourront avoir lieu.
Qu’est-ce que l’IPBES, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques ?
Créé en 2012, l’IPBES est un organisme intergouvernemental scientifique et politique qui rassemble 132 États membres des Nations Unies. Il a pour vocation de synthétiser et d’évaluer les connaissances sur la biodiversité et les services écosystémiques afin d’éclairer les décideurs et l’opinion publique, sur les enjeux des changements actuels de la biodiversité. Dans cette optique, il vise à identifier et élaborer des outils et des méthodes d’appui aux décisions qui prennent en considération toutes les connaissances sur la biodiversité, qu’elles proviennent de la recherche scientifique, des gouvernements, des organisations non-gouvernementales (associations, entreprises, etc.) ou des acteurs locaux et autochtones.
En mai 2019, l’IPBES a publié son premier rapport sur l’état de la biodiversité et des écosystèmes à l’échelle planétaire, dont il met en évidence la situation très préoccupante. Il appelle également de ses vœux à des transformations majeures de la société, à l’instar du GIEC sur les questions climatiques.
L’état de la biodiversité en France
En bref
La France héberge 10% des espèces connues et, chaque jour, de nouvelles espèces sont découvertes. Ses nombreuses espèces endémiques, qui ne vivent nulle part ailleurs sur la planète, lui confèrent également une forte responsabilité.
La France, avec ses territoires ultramarins répartis sur l’ensemble du globe, figure parmi les dix pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées au niveau mondial. Cela s’explique, comme dans la plupart des pays, par les pressions exercées par les activités humaines.
Avec ses départements et territoires d’outre-mer, la France est présente dans les quatre grands océans. Son patrimoine naturel, riche de 19 424 espèces endémiques (présentes uniquement sur un territoire), lui confère une grande responsabilité internationale. L’Homme utilise ces ressources naturelles pour subvenir à ses besoins. Il dépend étroitement des écosystèmes qui lui procurent nourriture, matériaux, énergie, régulent les réserves d’eau et le climat, sont source de bien-être, d’activités touristiques, etc.
Mais la pression subie par les écosystèmes est telle que beaucoup d’habitats naturels et espèces sont aujourd’hui en déclin. Sur la période 2013-2018, 20% seulement des habitats d’intérêt communautaire présents en métropole sont dans un état favorable. Les résultats de la 3ème évaluation de ces habitats naturels permettent de consolider et de confirmer ceux de la précédente (2007-2012) où 22% des habitats d’intérêt communautaire étaient alors dans un état favorable. En 2019, 18% des espèces évaluées dans la Liste rouge nationale sont éteintes ou menacées. Entre 1989 et 2018 en métropole, les populations d’oiseaux communs spécialistes des milieux agricoles, forestiers ou bâtis ont baissé de 23% et entre 2006 et 2016 celle des chauves-souris les plus communes a diminué de 38%. L’une des principales causes de ce constat est la dégradation des milieux naturels. Entre 2006 et 2015, en métropole, près de 66 000 hectares en moyenne par an ont été transformés sous l’effet de l’artificialisation. Les pratiques agricoles intensives ou, au contraire, la déprise agricole et la fermeture des espaces ouverts menacent la biodiversité. La consommation de pesticides augmente en agriculture. Le changement climatique affecte aussi la biodiversité. L’acidification des océans menace les récifs coralliens. Autre risque : 60 des 100 espèces considérées mondialement comme les plus envahissantes sont déjà présentes dans les départements et territoires d’outre-mer.
Néanmoins, la situation de certaines espèces, comme la loutre ou le castor, s’améliore. C’est aussi le cas des oiseaux d’eau hivernants où les populations ont progressé de 77% entre 1980 et 2018. Les mesures de protection, la réduction des pressions et une meilleure sensibilisation et implication des acteurs concernés expliquent ces tendances favorables. Face à ces pressions et menaces, de nombreuses initiatives sont engagées à tous les niveaux pour préserver ce patrimoine naturel, dont le bon état est primordial pour garantir le bien-être et la santé de tous. Les stratégies de création des aires protégées y contribuent. Au 1er janvier 2020, 23,9% du territoire est couvert par un dispositif de protection. L’ambition est de porter à 30% la part du territoire français couverte par un dispositif de protection dont 10% en protection forte à l’horizon 2022 (1,37 % au 1er janvier 2020).
En savoir plus
L’état de la biodiversité et son évolution sont au cœur des préoccupations environnementales de la société. Leur connaissance repose entre autres sur l’évaluation de l’état de conservation des habitats naturels et sur le suivi des espèces sauvages (répartition, abondance, niveau de menace…). Plus encore que pour les espèces, l’observation des habitats reste aujourd’hui fragmentaire pour la plupart d’entre eux et se concentre surtout sur les milieux les plus remarquables. Celle des espèces mobilise davantage de moyens et concerne aussi bien la faune et la flore communes que patrimoniales. Les tendances ainsi mesurées montrent que la France est pleinement concernée par l’enjeu de perte de biodiversité européenne et mondiale.
Des habitats globalement en mauvais état de conservation
La directive européenne Habitats-Faune-Flore prévoit que les États membres évaluent tous les six ans l’état de conservation des habitats naturels d’intérêt communautaire présents sur leur territoire. La France abrite 132 de ces habitats (sur 231 dans l’Union européenne) qui font l’objet d’évaluations régulières, et ce, par région biogéographique, soit un total de 299 évaluations.
Sur la période 2013-2018, 20% sont dans un état de conservation jugé « favorable ». Les habitats de la région alpine se trouvent globalement dans un meilleur état (38% dans un état favorable), alors que ceux de la région atlantique (terrestre) sont les moins bien conservés (11 % dans un état favorable). Les milieux ouverts herbacés naturels et semi-naturels (prairies de fauche, pâturages, etc.) figurent parmi les habitats les plus menacés avec 56% d’entre eux dans un mauvais état de conservation. Les dunes, les tourbières et autres milieux humides ou aquatiques, ainsi que les habitats côtiers, subissent également de multiples pressions : moins de 10 % d’entre eux sont dans un état de conservation favorable.
Des situations contrastées chez les espèces
La liste rouge nationale de l’Union internationale de la conservation de la nature (UICN) et du Museum national d’histoire naturelle (MNHN) évalue le risque de disparition des espèces, par groupe taxonomique, à l’échelle du territoire français. À ce jour, 10 055 espèces ont fait l’objet d’une telle évaluation, soit moins de 6% des espèces connues en France. 18% des espèces évaluées sont éteintes ou menacées en France au 1er février 2019. Le risque de disparition des espèces est nettement plus élevé dans les outre-mer insulaires (39%) qu’en métropole (12 %).
Entre 1989 et 2018, les populations d’oiseaux dits « généralistes » (peuplant une grande variété d’habitats) sont en augmentation (+22 %). À l’inverse, le nombre d’oiseaux communs dits « spécialistes » (inféodés à un habitat particulier : agricole, forestier, bâti) a diminué de 23% en métropole. Ce phénomène s’explique par la dégradation ou la perte des habitats et par l’effondrement des populations d’insectes. Ces tendances conduisent à une homogénéisation des communautés d’oiseaux et à un appauvrissement des espèces qui font prendre conscience de la nécessité d’agir sur tous les milieux.
Les grands prédateurs terrestres (loup, lynx et ours), autrefois largement présents en métropole, aujourd’hui menacés, participent à l’équilibre des écosystèmes en régulant notamment les effectifs des grands herbivores. Ils fournissent un autre exemple de situation contrastée. En 2017, 5,5% du territoire métropolitain est concerné par leur présence régulière. Les foyers principaux sont les régions Provence – Alpes–Côte d’Azur, Auvergne – Rhône-Alpes et Bourgogne – Franche-Comté. Si globalement, l’évolution est positive (cette part était de 3,6% en 2007), la dynamique diffère selon les espèces. La présence du Loup connait la plus forte progression à l’échelle du territoire. Le Lynx progresse également à l’échelle nationale, mais essentiellement dans le Jura alors qu’il tend à régresser dans les Vosges. L’emprise spatiale de l’Ours, quant à elle, reste faible et quasi stable, cantonnée à deux noyaux pyrénéens encore fragiles.